Septembre en Guinée : Un mois chargé d'histoire, de douleurs et d'espoirs
Le mois de septembre occupe une place à part dans la mémoire collective guinéenne. Il revient chaque année comme une saison historique, lourde de souvenirs tragiques, de ruptures politiques majeures, mais aussi d’espoirs renouvelés. Entre indépendance, massacres, procès et changements de régime, septembre est devenu, malgré lui, le théâtre d’événements qui ont façonné l’âme politique de la Guinée.
Septembre 1958 : Le non historique à la France
Tout commence en septembre 1958, lorsque la Guinée marque de façon irréversible son destin. Le 28 septembre 1958, les Guinéens se rendent aux urnes pour répondre à une question décisive : accepter la nouvelle Constitution française proposée par le Général De Gaulle et rester dans la Communauté française, ou voter «NON» et choisir l’indépendance immédiate. Contre toute attente, sous la houlette d’Ahmed Sékou Touré et ses camarades de lutte, la Guinée dit massivement «NON». Ce vote courageux propulse la Guinée dans une indépendance solitaire et immédiate, obtenue le 2 octobre 1958, deux ans avant les autres colonies d’Afrique francophone. Ce mois-là, la Guinée a montré à l’Afrique ce qu’est la souveraineté par le choix populaire.
Septembre 2009 : Le massacre d’un peuple en quête de démocratie
Un demi-siècle plus tard, le 28 septembre devient cette fois un jour de deuil national. Au matin du 28 septembre 2009, alors que l'opposition appelle à un rassemblement pacifique au stade éponyme pour protester contre une éventuelle candidature du chef de la junte, le Capitaine Moussa Dadis Camara, les forces de sécurité guinéennes tirent à balles réelles sur la foule. Le bilan est tragique : plus de 150 morts, des centaines de blessés, des femmes violées en public, des exécutions sommaires. Ce jour-là, c’est la conscience nationale qui a été violée dans l’enceinte même d’un lieu censé incarner la République.
Septembre 2021 : La rupture avec le troisième mandat
Coup d'état du 5 septembre 2021
Le mois de septembre est à nouveau inscrit dans l’histoire contemporaine avec le 5 septembre 2021, date du renversement d’Alpha Condé par les forces spéciales dirigées par le colonel Mamady Doumbouya. Le président Alpha Condé venait d’obtenir un troisième mandat controversé à la suite d’un changement constitutionnel jugé illégitime par une grande partie de la population. Le putsch militaire est accueilli par une liesse populaire, mais aussi par des attentes immenses. La transition qui s’ouvre ce jour-là porte la promesse d’un renouveau institutionnel et démocratique, mais les défis restent immenses.
Septembre 2022 : L’ouverture du procès du massacre du 28 septembre 2009
Procès des évenements du 28 septembre 2009 #
Le 28 septembre 2022, exactement 13 ans jour pour jour après les événements sanglants de 2009, un procès historique s’ouvre à Conakry. Pour la première fois dans l’histoire du pays, d’anciens hauts responsables, y compris le Capitaine Moussa Dadis Camara lui-même, comparaissent devant la justice pour répondre des crimes commis. Ce procès marque un tournant : non seulement pour les victimes et leurs familles, mais aussi pour la justice guinéenne qui commence à rompre avec l'impunité. C’est aussi une mise à l’épreuve de la volonté de la transition en place de bâtir un État de droit.
Septembre 2025 : Le mois des incertitudes ou de renaissance démocratique ?
le 21 septembre 2025, la Guinée se retrouve à nouveau à un carrefour décisif. C’est dans ce mois que devrait s’ouvrir une nouvelle phase : celle d'un référendum, annoncé comme marquant la fin de la transition militaire avec l'adoption d'un nouveau contrat social (une nouvelle Constitution). La question qui hante les esprits est claire : la promesse du retour à l’ordre constitutionnel sera-t-elle tenue ? Ou bien septembre ajoutera-t-il un autre chapitre douloureux à sa longue série d’événements inachevés ?
En conclusion, septembre est un mois de mémoire vive et d’avenir en suspens, ce n’est pas un mois comme les autres pour la République de Guinée. C’est un miroir de ses luttes, de ses douleurs et de ses résistances. Chaque décennie semble y apporter son choc historique. Le peuple guinéen, fort de sa mémoire, regarde désormais ce mois avec vigilance, crainte et espoir mêlés. À la lumière de 1958, en passant par l’ombre de 2009, jusqu’à la croisée des chemins en 2025, septembre reste le mois où tout peut basculer.
PELLEL BAH
Consultant _ Juriste & Fiscaliste
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